Marketplace
TÊTE DE LIONNE

Georges-Lucien Guyot nait le 10 décembre 1885 à Paris dans un milieu petit bourgeois. Son père, Marius Guyot, est comptable et la famille habite au 87, rue du Cheval Vert dans le XIe arrondissement de Paris.
Son certificat d’études en poche, il est placé comme apprenti chez un sculpteur sur bois du Faubourg Saint-Antoine. Quand on lui posait la question de l’origine de sa vocation, Guyot la faisait remonter à une anecdote de sa jeunesse, qui explique également sa fascination pour les ours : quand il était adolescent, l’un de ses grands-pères lui raconta qu’il avait relevé le défi de se battre contre un ours sur une foire. Cet homme, qui avait pratiqué la lutte, pensait venir à bout rapidement de l’animal qu’il avait ceinturé pour tenter de le renverser. Mais l’ours, indifférent, s’était contenté de poser ses deux pattes sur les épaules de l’homme et en deux minutes l’avait plaqué au sol.
Cette puissance d’un animal débonnaire avait déclenché chez Guyot la curiosité d’en savoir plus sur les plantigrades qu’il allait observer au Jardin des Plantes. Dès cette époque il avait donc commencé à exécuter de nombreux croquis d’ours qui deviendrait son animal fétiche.
Loin de contrarier la vocation de son fils, Marius Guyot, homme ouvert et intelligent, l’encouragea dans cette voie en l’emmenant au musée du Louvre étudier les œuvres anciennes. Là, Georges-Lucien reçut un choc qui devait le marquer pour le restant de sa vie devant le Lion au serpent de Barye dont il se mit aussitôt à étudier la manière. Mais le temps lui manquait pour se former et, arrivé au terme de son apprentissage, son patron le laissa partir, voyant bien que sa vocation entrait en contradiction avec le métier de sculpteur pour mobilier.
Sous prétexte de chercher un nouvel emploi, le jeune homme disparut des journées entières, les consacrant en réalité à l’étude des animaux au Museum où il réalisait d’innombrables croquis. Un jour qu’il travaillait, son père le surprit, et loin de lui faire des reproches, il lui proposa un marché :"Tu as dix-sept ans. Je te laisse une année pour te former librement dans ce que tu veux faire. A dix-huit dans tu t’engages dans l’armée et après tu seras libre de choisir ta vie".
Guyot passa donc une année entière à étudier au Museum où, ayant sympathisé avec le personnel, il eut accès aux laboratoires, put assister à des dissections et approcher au plus près des animaux.
En 1904, comme convenu il s’engage dans l’armée, au 39e d’infanterie à Rouen, ville qui dispose d’une école des beaux-arts dirigée par M. Lelong. Grâce à l’intervention de ce dernier auprès du Général Serrail, Guyot put bénéficier d’une permission spéciale pour assister au cours du soir afin de parfaire ses connaissances. Deux ans plus tard se place un évènement qui allait changer la carrière du jeune artiste jusque-là consacrée au dessin. M. Lelong fait installer un four à céramique à l’école des beaux-arts et demande à Guyot d’exécuter à titre d’essai un ours en terre. Guyot installe donc une stèle dans la chambre d’un camarade promu et réalise de mémoire sa première sculpture animalière. Bientôt achevée, il la présente à M. Lelong qui, étonné de sa qualité, propose à son créateur de l’envoyer au Salon des Artistes Français après cuisson. Ceci est bientôt fait et la pièce est acceptée au Salon. Lors de sa démobilisation, le Général Serrail dont il s’était fait un protecteur, lui trouve un emploi au studio Pathé, où il devait travailler jusqu’en 1909, date à laquelle il décide de se consacrer entièrement à la sculpture et au dessin. C’est peut-être à cette époque qu’il devient élève de Gardet dont il se recommande dans les catalogues des Salons.
Le 11 janvier 1908 il se marie à la mairie du XVIIIe arrondissement à Paris avec Fernande Cottel, qui restera sa compagne toute sa vie, et s’installent rue Chappe.
A partir de 1906, il expose chaque année au Salon où il présente des animaux de facture plutôt réaliste qui remportent un certain succès. En 1910 il obtient une médaille de 3e classe.
La guerre va porter un coup d’arrêt à ce brillant début. Mobilisé, il est rendu à la vie civile en 1917 à la suite d’une grave maladie. Contraint d’abandonner la carrière artistique pour gagner sa vie, il installe d’abord des compteurs électriques avant de retourner dans le cinéma, aux films Eicher où il va travailler aux côtés de Firmin Gémier, tout en se livrant à la peinture qu’il avait commencée à partir de 1910.
Dès 1918, il reprend son activité artistique et s’installe au Bateau-Lavoir au 13 place Ravignan (aujourd’hui place Emile Goudaud) à Montmartre, où il restera jusqu’à ce jour funeste où le bâtiment qui avait vu travailler Picasso, Modigliani, Max Jacob, Juan Gris… part en fumée.
En 1920, les Salons reprennent et c’est aux Indépendants que Guyot va exposer, essentiellement des tableaux réalisés pendant la guerre, ainsi qu’au Salon d’Automne dont il devient sociétaire en 1925.
En 1930, il fait partie des fondateurs du Groupe des Douze sous la direction de François Pompon, dont il sera l’un des seuls animaliers de l’époque à ne pas subir l’influence, et participera aux deux Salons des Animaliers qui en découlent.
Durant l’entre-deux-guerres, il connait une période extrêmement féconde, expose dans de très nombreuses galeries (Bernheim jeune, 1922 ; Denambez, 1924 ; Druet, 1928, 1929 et 1934…) à la fois ses sculptures, ses peintures influencées par le Cubisme et ses dessins, essentiellement des ours et des panthères.
En 1937 lors de l’Exposition des Arts Décoratifs, il réalise pour le bassin du Palais de Chaillot deux sculptures monumentales : un Gorille et Chevaux et chiens, et exécute un Taureau de Camargue grandeur naturelle pour le musée de Nîmes. Travailleur infatigable, il exécute de nombreuses gravures pour illustrer des livres destinés aux bibliophiles et collabore avec Henry de Montherlant, Histoires Naturelles, et Louis Pergaud, de Goupil à Margot.
En 1941, il réalise une très grande fresque pour l’école vétérinaire de Lyon. En 1943, une rétrospective lui est consacrée au Salon des Indépendants. En 1950 il est fait Officier de la Légion d’Honneur et Officier des Arts et Lettres.
Le 12 mai 1970, un incendie détruit entièrement le Bateau-Lavoir et par là même, l’atelier de Guyot avec tout ce qu’il contient : sculptures, peintures, dessins, squelettes d’animaux, souvenirs… tout ce qui faisait la vie de cet homme âgé alors de 85 ans. Il ne s’en remettra pas et s’éteint trois ans plus tard. Il meurt à Paris le 31 décembre 1972.
Plus d'œuvres d'art de la Galerie